Nez rouge à croix blanche

L'entrée en clandestinité du couple d'étrangers et de leur nouveau-né ne simplifiait pas les affaires de Blocheréon 1er. Comme maintenant distinguer les bons des mauvais? Comment quand même réussir à intercepter, puis expulser, les mauvais? Il fallait leur trouver des signes distinctifs. La Cour et l'état-major de l'empereur se sont donc réunis pour débattre de la question. L'une et l'autre siégèrent dans des chambres différentes, et Sa Majesté passait de l'une à l'autre avec les dossiers, écoutait les débats, parfois clarifiait un point.

Et les deux Chambres votèrent, quasi à l'unanimité, que les bons et loyaux sujets de Blocheréon, afin d'être reconnus, porteraient sur le nez une demi-boule avec une croix plus claire peinte dessus. Ainsi vit-on se promener dans l'empire des nez rouges à croix blanche. Ce sentiment d'appartenir à une grande nation emplissait les gens de fierté et leur donnait une assurance de sécurité. Les étrangers n'ont désormais qu'à bien se tenir. Mieux, qu'à se cacher, ou encore mieux, qu'à partir!

Une hotline fut mise sur pied. En composant le 22-22-22, quiconque pouvait dénoncer quelqu'un ne portant pas ce précieux passeport nasal. Conséquence immédiate: Hérodéon et sa garde traquaient sans relâche les clandestins, et les expulsaient après une procédure sommaire et sans appel. Il est bien possible que quelques innocents en firent les frais...

Mais l'empereur rageait: malgré tous ces efforts, le couple d'étrangers et son nouveau-né n'avaient toujours pas été repérés. Or, il était inimaginable que Sa Majesté puisse cohabiter dans le même empire avec le petit-fils de la tsarine Eveline. "Il nous faut donc durcir nos lois d'expulsion", tonna Blocheréon. Et il reconvoqua les deux Chambres pour une session urgente et extraordinaire.   

à suivre